L’inceste et l’incestuel, l’acte et son contexte

Inceste : étymologie

 Inceste vient du terme « châtier », lui-même issu du latin  castus, chaste (celui qui se conforme aux règles et aux rites). Celui qui ne se conforme pas aux règles et aux rites est incestus , c’est celui qui commet l’inceste. Par la suite, castus  a pris le sens secondaire de pur, exempt (dans le sens d’ être privé de). Ainsi, incestus désignait chez les romains un enfant qui ne manquait de rien. Donc l’inceste est une violation des rites qui permettent de se constituer comme un être humain, mais c’est aussi l’ambition d’avoir tout.

Ainsi, l’inceste dépasse l’acte lui-même entre 2 personnes, il concerne les lois les règles, le tout et le « manquer ». C’est la partie visible  d’un système qui a la famille pour cadre, le pouvoir de l’abus comme moyen, le corps pour objet. Quand nous parlons d’inceste, il faut dès lors considérer les 2  personnes dans leur rapport à leurs parents et leurs lignées.

 Il sera question ici principalement de l’inceste commis par un parent sur son enfant.

Le contexte incestuel

L’incestuel est « ce qui, dans la vie psychique individuelle et familiale, porte l’empreinte de l’inceste, sans qu’en soient accomplies nécessairement les formes génitales » (P.C.Racamier). L’incestuel produit les mêmes effets que l’inceste. Il s’agit d’une ambiance familiale, un climat où l’inceste n’est pas commis physiquement (caresses sexuelles ou pénétration), mais où toutes les caractéristiques de l’inceste sont présentes. Le plus souvent, l’inceste est le fait du père vis-à-vis de son enfant, alors que l’incestuel est plus le fait de la mère.

Lorsque l’acte d’inceste arrive, ce n’est pas un coup de tonnerre dans un ciel bleu, mais l’aboutissement d’un processus rendu visible dans un contexte propice dont la toile de fond est la famille au sens large, sur plusieurs générations parfois. Lorsque le passage à l’acte a lieu, c’est la mise au jour de tout un système fondé sur le déni de l’humain qui se révèle. C’est pourquoi il sera traité ici de l’inceste et de l’incestuel, indifféremment.

Le contexte

Une question de narcissisme

L’inceste est avant tout une affaire narcissique avant d’être sexuelle. Si le père/mère n’est pas suffisamment construit, il souffre d’une blessure narcissique. Il est tellement préoccupé par lui-même qu’il ne peut pas être capable d’aimer son enfant de telle manière que celui-ci puisse se construire. La relation mère/père - enfant est alors basée sur la soif jamais étanchée du parent à s’aimer lui-même. Elle repose sur une séduction permanente car le parent a besoin de son enfant pour se confirmer, celui-ci ayant pour mission d’incarner les objets internes qui manquent au parent. L’enfant est adulé et en retour il est ébloui par l’adulte qui ne cherche qu’à briller et à éblouir.  La relation avec l’enfant est une relation narcissique interminable et la mère/père ne veut pas qu’elle s’arrête sinon elle/il meurt psychiquement. Cette mort qui plane comme une menace garde l’enfant dans la relation malsaine. « Si tu pars, je meurs ».

Le passage à l’acte de l’inceste est pour le parent le moyen de garder cet enfant qui s’obstine à grandir (à devenir autre en dehors du parent).

Pour l’enfant, c’est la promesse jamais tenue qu’il comble enfin cet adulte depuis toujours insatisfait (enfin être quelqu’un pour lui/elle). Car l’enfant a ce désir immense de satisfaire son père et sa mère et est prêt à renier son propre ressenti pour plaquer sur ce qu’il vit le masque de la belle parenté. Il refoule pour préserver à travers une idéalisation temporaire le rêve de son parent tel qu’il en porte l’image intérieure. C’est une des raisons pour lesquelles il participe au maintien du secret.

Pour la question de la domination par l’inceste, je vous renvoie à un article du blog: “le berceau des dominations”, résumé personnel du fantastique livre de Dorothée Dussy.

Le secret

Le secret, le non-dit est extrêmement présent dans les familles incestuelles. Mais il s’agit d’un secret qui ferme la pensée, qui interdit de penser par soi-même ; contrairement aux secrets personnels de l’intimité qui sont constructeurs et donnent à la personne un espace à penser et une ouverture vers l’imaginaire et le fantasme (comme le journal intime, par exemple). L’acte d’inceste commis ou latent est gardé secret et va se ranger aux côtés d’autres secrets et vérités tues. C’est le moyen de mettre l’inceste au service du narcissisme totalitaire. La « communauté du déni » entretient son secret, comme on entretient un caveau. Il est le garant de la cohésion du groupe et de la pérennité de la famille.

Ci-gît un secret

Pensez-y.

N’y touchez pas.

Qu’il repose en paix, tant que vous resterez en souci

 

Dire le secret, sortir de l’abus implique de se confronter au rejet du clan familial, mais aussi de se confronter à un monde autour de cette famille qui ferme les yeux devant l’inceste. Cela demande énormément de courage

Un deuil en attente

A la base de l’incestuel il y a souvent un deuil qui n’a pas été fait

-soit parce que la mort a été ignominieuse ou criminelle et donc on ne veut plus parler du mort

-soit parce que le mort a été idéalisé et sa perte est si douloureuse qu’on ne peut pas en parler

-soit parce que la personne décédée a commis un inceste lui-même.

 

La famille va donc transformer la mort en sujet de gloire (et donc ne saura jamais en faire le deuil) ou au contraire va taire la honte de ses agissements.

La mort marquera une génération et la honte marquera la suivante qui en fera un secret. Ainsi, on constate qu’il y a, dans les familles liées par le secret de l’inceste, derrière ce secret d’inceste, un secret de deuil. Il y a un mort qui rode et continue d’agacer les âmes.

Ces 2 secrets alors amalgamés sur 2 générations sont une tentative de préserver le narcissisme des premiers auteurs du secret.

L’inceste et le refus de la finitude

Symboliquement, la mère est celle qui donne la vie à sa source et le père est celui qui aide à franchir le passage à sa fin. Dans les familles incestuelles l’avenir est vécu comme une menace et le père ne se responsabilise pas devant le temps qui avance et apporte son lot de difficultés, il est dans le refus du vieillissement, la peur de la fin. Alors, il jouit de plaisirs immédiats et s’accapare la pureté de l’enfance de son enfant, comme s’il voulait se l’approprier.

 

La mère  incestuelle, qui au départ donne la vie, est sensée « mettre au monde » son petit, veut détenir à jamais ce droit sur la vie de son enfant, ne supporte pas de le voir grandir, et par sa relation incestuelle, « garder son enfant dans sa matrice ».

Le masculin dans l’inceste

Au niveau symbolique, le père est l’instance qui choisit le risque, qui ouvre vers un ailleurs, déploie l’esprit dans sa possibilité de penser. Un père assez bon  se tient avec générosité, comme un gardien, à la porte du désir de connaissance de l’enfant.

Par contre, le père incestueux ramène l’enfant dans l’espace familial, le garde dans son clan en l’empêchant de penser, de savoir, de dire. Par l’inceste, cette capacité de déploiement de la conscience qui est la fonction paternelle, est refusée à l’enfant pour pouvoir le garder captif dans la matrice familiale.

La transmission

Comment la victime de l’inceste peut devenir, à son tour, auteur d’un inceste

 Comme nous l’avons vu, dans le contexte incestuel, la recherche narcissique de la mère/père, se fait au détriment du besoin narcissique primaire de l’enfant. Celui-ci grandit avec une carence  affective car le parent utilise l’enfant pour son besoin propre et ne sait l’aimer pour ce qu’il est. Il manque de construction narcissique (ce qu’on appelle aussi la confiance en soi et la force intérieure). L’enfant sent qu’il est la condition pour la survie de son père/mère. Il sent qu’il doit penser comme le parent, qu’il n’a pas de puissance propre. « Si tu ne me crois pas, tu me trahis. Si tu me trahis, je meurs ».

En plus de cela, l’enfant est en même temps ébloui par son père/mère qui fait tout pour briller. Cette adoration pour le parent lui donne le sentiment d’être flatté : « je suis indispensable à cette maman, ce papa qui est éblouissant, il/elle m’a élu ». L’enfant grandit avec l’impression d’être puissant, mais c’est un leurre.

Il y aura alors une alliance du parent incestuel avec l’enfant contre les ennemis qui pourraient se mettre entre eux (p.ex. le thérapeute ou l’autre parent).

A la longue, la guerre s’éternise. L’enfant en a assez de cette guerre et veut vivre plus pour lui-même. Petit à petit, il se sent utilisé. Plus il ressent cela, plus le joug se resserre, car la mère/père a peur que le petit ne lui échappe. De son côté, l’enfant craint de faire mourir sa mère/père en s’éloignant, et a peur de perdre l’amour de son parent et le sentiment de puissance.

Alors, il faut se soumettre, mais de cette soumission naît la haine du parent (aussitôt refoulée) et le besoin de soumettre. Plutôt que de souffrir de la prédation en étant une victime impuissante, il choisit de se mettre sur la même fréquence pour ne pas souffrir de la dissonance.

Les grands frères qui commettent l’inceste sur leur petite sœur, ou le père sur sa fille, ou la mère sur son fils ont souvent vécu ce processus dans leur enfance.

L’inceste du frère sur sa petite sœur

Lorsque des frères abusent de leur petite sœur, c’est sous la loi paternelle que cela se produit et le père est un acteur direct ou permissif de ce passage à l’acte. Si la parole paternelle à l’égard des femmes, des êtres fragiles ou sensibles est celle de la consommation et du mépris, les fils peuvent soit s’assimiler à ce féminin et s’en sentir victimes, soit répéter le discours méprisant. En tant que fils et  héritier (en plus droite ligne que les filles) du père, il leur faut beaucoup de détermination pour résister à la tentation de se définir hommes de cette façon.

L’inceste est aussi une manière pour le fils de s’affirmer homme en profanant la loi éthique (tu ne coucheras pas avec ta sœur)  pour la remplacer par sa propre loi. Il se met au-dessus de la loi.

Les traces de l’inceste du point de vue  transgénérationnel

De manière générale, quand il y a eu un traumatisme dans une famille, il faut 3 générations pour cicatriser. La première génération a vécu le traumatisme et a souffert en direct. La deuxième est la génération du silence : ceux qui ont appris à ne pas poser de question. C’est la génération qui porte la culpabilité,  la dette si dette il y a, le poids du deuil non fait et la honte. C’est aussi cette 2ième génération qui va essayer de recréer un mythe familial pour redonner des éléments de support à ce groupe afin qu’il puisse exister malgré tout, au détriment de ses propres besoins d’affirmation ou d’intimité. La solidarité sera une valeur dominante. C’est une génération sacrifiée car elle doit réparer. Dans la 3ième génération, il y a aura des personnes par-ci par-là qui vont se désolidariser de cette « communauté du déni » et  faire tout un travail de restauration de la vérité et  de libération du secret, pour que les territoires de l’intimité puissent se baliser et que les différences puissent s’affirmer. Et ainsi passer de la survie à la vie.

 

Robert Neuburger, dans son livre « Ces familles qui ont la tête à l’envers » (p.66) décrit le travail de silence de cette deuxième génération et le met en lien avec les conduites ordaliques de certains de ses membres (conduite ordalique : conduite par laquelle la personne se met en danger) : « …les descendants de ces familles n’existent que pour réparer le passé ; leur vie, leurs désirs, leurs projets n’intéressent guère la génération traumatisée qui ne voit en eux que des agents susceptibles d’apporter les réponses et de combler les manques. Le sentiment d’exister qui est normalement donné à un enfant par sa famille du fait qu’il est porteur d’espoir pour l’avenir, disparaît au profit d’un sentiment de réparation du passé. Ne reste à l’enfant que la possibilité de se faire autoexister à travers des épreuves qu’il s’inflige ». Car les épreuves (maladies, douleur, angoisse ou graves prises de risque comme drogue, vitesse, sports dangereux…) comportent en eux-mêmes une part de défi : arriver à les dépasser, arriver à survivre malgré tout, donne un sentiment de victoire, un goût de la vie qui fait exister.

Ceci peut expliquer certaines manifestations chez certains membres de la deuxième ou troisième génération dans des familles  qui ont connu l’inceste et le secret du non-dit.

Le traumatisme

La personne incestée vit une double violence :

1.    Celle subie par l’agression physique : cela constitue un véritable traumatisme, c-à-d qu’elle vit un flux psychique massif qu’elle ne peut pas métaboliser et qui reste en excès.

2.    Que ce soit dans l’inceste ou dans un climat incestuel, l’enfant est empêché dans son développement psychique et mental. En effet,  la jouissance de l’inceste pour le père/mère, frère, oncle,… réside dans la profanation de l’intime de l’enfant, amenant la sensibilité la plus fine de l’être, c-à-d son âme, à se retirer.

 

Que ce soit par l’inceste ou par un contexte incestuel,  il y a un discrédit porté sur la valeur de ses capacités et de ses accomplissements.

Cette disqualification porte sur quasi toutes les capacités de l’enfant :

·      Sa capacité de fantasmer : car imaginer lui donne sa liberté et il ne peut être libre en dehors de son parent, dans une relation incestuelle/incestueuse. Il ne peut donc pas se projeter dans un futur, fantasmer sa vie et ses relations. Sa capacité créatrice porteuse de vie s’éteint.

·      Sa capacité de désirer : car il ne peut se permettre de désirer autre chose que ce que son parent veut de lui. Tout désir propre, s’il apparaît quand même,  est alors directement associé à de la culpabilité « je ne peux pas vouloir quelque chose pour moi, sinon, je perds l’amour de mes parents ». C’est pourquoi, dans le travail thérapeutique, la dissolution de la culpabilité et l’affirmation de soi créent de l’angoisse. L’enfant n’a pas le choix ; soit il se sent coupable, soit il se sent abandonné. S’il n’y a plus de culpabilité, il ne lui reste que le sentiment d’abandon. La troisième voie, celle du désir créateur lui est inconnue car interdite.

Seules les actions sont là, dépouillées de désirs

·      Sa capacité à s’aimer lui-même : car il a été utilisé comme un objet, une prothèse pour le narcissisme défaillant de la mère/père.

·      Sa capacité à aimer : il ne peut pas disposer de son affectivité pour son usage propre. Celle-ci est réservée à sa famille d’origine dans le cas de familles incestuelles, et plus particulièrement à l’incesteur. Même si l’enfant fonde plus tard un foyer, s’il n’a pas fait un travail thérapeutique, dans le fond, il restera loyal à son clan d’origine  au détriment de son nouveau foyer et ne pourra pas aimer de manière adulte.

·      Sa capacité à la tendresse : car il a grandi dans un noyau compact indifférencié où il n’y a pas d’intimité (ce qui t’appartient m’appartient). Les caresses n’y sont pas possibles car la vraie  tendresse nécessite une différenciation (tu es autre et je te reconnais autre et je te donne de la tendresse, c’est un cadeau). Le lien se fait par l’intellect, le langage ou la violence. L’investissement sensuel de la peau, qui normalement nourrit le sentiment constructeur du je, ne s’est pas fait. A la tendresse se substitue le sexuel,  c-à-d que le corps n’est pas sensuel, mais sexuel et l’orgasme est le seul plaisir corporel qui lui soit donné d’avoir.

·      Sa capacité à être et dire vrai : il baigne dans les non-dits et est ébloui par ce qui brille.

·      Sa capacité à avoir une perception intime de son corps : une forte suspicion entoure les soins qu’il peut avoir de son corps (hygiène, apparence,…). Quand l’enfant montre qu’il a un corps et en est conscient, cela déclenche de la méfiance, de la raillerie ou du mépris. Il en ressent de la honte et du regret d’exister dans un corps autonome. Son corps ne peut appartenir qu’au père/mère incestueux et n’est qu’objet sexuel.

·      Sa capacité de penser : car lorsque la faculté de penser n’est pas enracinée dans la sensation et validée par le vécu corporel (par manque de conscience corporelle), l’échelle des valeurs n’est donnée que par l’extérieur et non plus liée à l’expérience intérieure de manière cohérente.

Par ailleurs, l’enfant ne peut plus penser ses valeurs propres en fonction de son jugement et de son intuition. L’acte incestueux dit à l’enfant que la loi qui s’applique aux humains est celle du bon plaisir du père, et que rien ne peut s’opposer à sa toute-puissance, car le monde est d’accord avec lui.

·      Sa capacité à avoir une vie intérieure : car la focalisation extrême sur la chose sexuelle évince toute participation de l’esprit et annihile l’intuition de sa propre intériorité.

 

Ainsi, l’enfant grandit en n’ayant pas confiance dans ses capacités. Il arrive à l’âge adulte en étant très indécis car incapable de se fier à ses désirs, ses fantasmes, ses pensées, son corps. La moindre tentative d’éloignement du clan familial, le plonge dans des angoisses terribles.

Les équivalents d’inceste

Les équivalents de l’inceste partagent certaines caractéristiques avec l’incestuel et sont des signes de relations incestuelles entre certains de ses membres.

Ils ont le même pouvoir liant que l’incestuel dans une famille. Toute approche d’une personne de l’extérieur est vécue par les membres comme une effraction.

Ils impliquent au moins 2 personnes d’une même famille et 2 générations.

Quels sont-ils ?

·      Un objet matériel : p.ex de l’argent, un objet fétiche. C’est un objet qui doit pouvoir passer de la main à la main (donc, si c’est de l’argent,  pas via des comptes en banque). Les membres ont besoin de le voir, de tâter l’objet et de se le passer (pouvoir liant).

·      Une activité : elle doit être ritualisée et s’exercer autour d’une chose matérielle (p.ex la boisson, aller voir les prostituées)

·      Un symptôme : avoir une maladie permet  de maintenir le lien avec sa famille (symptôme transmis de génération en génération…).

Le travail thérapeutique

Les signes

Dans le cours d’un entretien thérapeutique certains signes donnent à penser à un vécu d’inceste ou à une relation incestuelle dans une famille :

·      La difficulté à éprouver sa matière et ses limites corporelles : l’empiètement , faire peau commune, lui  semble naturel

·      La gaucherie, car il n’habite pas bien son corps et ses mouvements

·      La difficulté à faire la différence parfois entre ce qui est imaginé et l’agir. Tout est acte

·      La confusion des générations : les parents et les enfants dans l’arbre généalogique se mélangent.

·      L’absence de tendresse

·      L’absence de désir

·      L’indécision

·      L’angoisse

·      Le faux-self

·      L’imitation des parents : faute de pouvoir s’identifier à ses parents en tant qu’humains (car il ne les sent pas dans leur humanité), l’enfant va les imiter, les singer, adopter leurs valeurs vides

·      L’interdit d’exprimer sa colère, car la colère nécessite la mobilisation de la pulsion précisément écrasée et soumise par l’abuseur qui en monopolise l’usage et l’expression.

·      L’absence d’auto-érotisme

·      L’anorexie et la boulimie

·      Les compulsions : l’addiction est une manière de rester pris dans l’énergie de l’agresseur

·      L’addiction sexuelle qui donne l’illusion qu’on est du bon côté du pouvoir

·      La difficulté de dire les choses (interdiction de savoir et de dire)

·      L’air d’innocence

·      L’inhibition de la vie amoureuse. Et donc rupture du lien de descendance car impossibilité de former un couple dissocié du clan parental

·      La rupture du fil des origines : souvent le parent incesteur disqualifie le conjoint. Il est présent dans la famille mais n’a aucune valeur. Parfois ce fil des origines est cassé plus haut. On peut s’en rendre compte quand le patient est incapable de raconter des anecdotes d’un côté de sa famille. Il y a une impossibilité à remonter le fil des générations. C’est bloqué par un secret.

·      La transmission d’un symptôme. La maladie est une expression émotionnelle et corporelle obsédante qui n’a pas pu s’exprimer par la colère, puisque celle-ci était monopolisée par le père/mère incestuel. L’enfant devenu adulte a  choisi la maladie plutôt que d’abuser à son tour.

·      La pulsion sexuelle qui couve sans être vraiment exprimée. Le refus du sexe comme part constituante de l’humain fait que l’énergie sexuelle qui ne peut être exprimée ne peut être canalisée ni élaborée.

·      L’impuissance sexuelle (chez les parents) le besoin d’excitation psychique (les disputes, par ex.) pour soutenir un désir défaillant. Tension sexuelle non canalisée

·      Les activités à un rythme effréné, des dépenses inutiles, des disputes, des relations vides de contenu. La personne s’épuise et s’anesthésie dans l’immédiateté

·      La difficulté de savoir si une personne s’approche avec bienveillance ou pas, car le père/mère était à la fois « voleur » de corps et d’âme, et semblait pourtant attaché au bien être de l’enfant, protecteur.

·      Le refus d’avancer dans la thérapie, la famille se ligue contre le thérapeute

·      L’inobservance du cadre thérapeutique

En thérapie

·      La cure va permettre à la personne qui a subi un inceste, de se délier des ligatures incestuelles pour réinvestir son corps et son espace d’intimité.

·      Elle doit aussi accepter les émotions liées à l’inceste et qui ne sont pas toujours facilement nommables et acceptables (p.ex le plaisir qu’a eu cette petite fille à être regardée, désirée ou enfin touchée, même mal)

·      Il est indispensable de travailler dans un cadre très clair et de faire respecter ce cadre. C’est la condition pour défendre l’intégrité de l’aire thérapeutique.

·      Souvent, il y a une résistance dans la cure qui vient du fait que la personne, par ce processus d’affirmation de soi doit se désolidariser du clan pour devenir une personne à part entière. Mais cela passe par une perte de l’illusion de la toute-puissance (j’aimais bien quand je croyais que j’étais le héros de ma mère. Ou : mon père me désirait, cela ne voulait-il pas dire que j’étais sa princesse ? Ou : maman ne pouvait exister que par moi, j’avais donc pouvoir de vie et de mort sur elle…)

·      Il est impérieux de reconstruire la trame des origines, de s’inscrire dans une filiation où chaque personne est à sa place

·      La personne peut prendre conscience de sa peur de dire et de savoir ce qui était défendu (par qui ?) et ainsi passer des secrets obstructeurs (non porteurs de vie) aux secrets qui marquent un désir d’intimité personnelle

·      Ce travail se fait par le dialogue dans un espace de confiance, mais aussi par la conscience du corps, de sa forme, et de sa peau-enveloppe.

Ceci pour

1.    ouvrir le chemin vers la pensée par la sensation

2.    éprouver son corps comme un espace exclusivement investi par soi (et non par l’autre)

3.    que la conscience de ses limites corporelles puisse faire rempart à l’angoisse qui surgit lorsque la personne commence à avoir des désirs propres (cfr plus haut le lien entre désir, angoisse et abandon).

 

Pour lire et regarder :

Mythes et contes

Peau d’âne

Œdipe

Films 

Festen (ThomasVinterberg)

La pianiste (Michael Haneke)

Romans

Rien ne s’oppose à la nuit (Delphine de Vigan)

Inceste (Anaïs Nin)

L’exploitation (Jane Smiley)

 

 

Bibliographie

 

RACAMIER, P.C., L’inceste et l’incestuel, Collection psychisme, Paris, Dunod, 2010

 

LABEDAN, C., Inceste, la réalité volée, Paris, Bréal, 2012

 

NEUBERGER, R., Les territoires de l’intime, Paris, Odile Jacob, 2010

 

NEUBURGER, R., Les familles qui ont la tête à l’envers, Paris, Odile Jacob, 2005

 

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